Jeux de rôles (où il s'agit de sémantique et de syntaxe, et où on va pas rigoler sévère)
Dans ma grande réforme sérieuse de ce journal sur internet, où je voudrais quand même faire passer de vraies idées linguistes sans pour autant ne faire que de la traduction que certains qualifieraient de "caca" (Hugo, 4 ans), je vais me fendre d'un article vraiment sérieux, avec des mots de la vraie syntaxe, mais en gentil, quand même. Je pars du postulat que c'est quand même pas marrant de rentrer comme ça hop, sans préparation, dans la linguistique, alors voilà.
Pour cette séance de bungee-rope athlétique, où les muscles du cerveau sont sollicités, je vais faire appel aux rôles sémantiques des éléments dans une phrase: c'est-à-dire le lien entre rôle sémantique et rôle syntaxique dans la phrase.
Tout le monde suit ? Vous n'êtes pas morts ? Eh bah tant mieux. Pour les latinistes, ceci devrait être niveau: piece of cake, quand même.
On a donc une différence entre l'action dans le monde, qui le change, et la façon de la décrire avec notre outil, la langue. Eh oui. On ne peut pas faire de linguistique des animaux, malheureusement, parce qu'ils ne disposent pas d'un méta-langage pour décrire ce qu'ils racontent (ou plutôt, parce que si ça se trouve, on ne connaît pas leur méta-langage, mais qu'on fait semblant d'être plus intelligents qu'eux, alors hop, on les range dans une sous-catégorie.)
Bref. Ceci était l'introduction gentille. Nos deux participants et demie de la journée ont été volés à un feuilleton américain. Les catégories syntaxiques ont été inspirées par de nombreuses personnes (y'a en fait peu de linguistes qui sont d'accord les uns avec les autres) mais notamment, par J-C Khalifa, qui, outre ses articles avec toujours une pointe d'humour, écrit aussi des livres avec des pointes d'humour. Enfin, La Syntaxe de l'Anglais, c'est pas super marrant comme ça, et il n'a pas inséré des blagues de Carlos pour faire passer la pilule, mais c'est quand même un peu distrayant, des pointinounettes de blagues de temps en temps.
John-athan-Kévin a bousculé Samantha.
John-athan-Kévin est celui qui change le monde, qui est l'auteur animé et humain (en gros) du procès du verbe et en plus il le fait consciemment (dans mon cas, vu que ça m'arrange). John-athan-Kévin est donc l'agent de l'action.
Quant à Samantha, elle est le participant non volontaire de l'action, vu qu'elle a fait tomber son sac et que son brushing est foutu. Elle subit, et est donc, à ce titre, le patient de l'action.
Tallulah-Belle a vu un sac trop cool en solde.
Tallulah-Belle vit l'expérience, elle est affectée psychologiquement (son porte-monnaie aussi, dans un futur proche). Elle est donc (la traduction est minable, mais c'est pas la mienne) l'expérienceur ou expérient, (les deux sont attestés, vu qu'ils sont la traduction de l'anglais experiencer)... Quant au sac, vu que c'est l'ami de Tallulah-Belle et qu'elle le trouve trop beau et que c'est lui qui l'a changée, il est appelé source du procès.
Le serial killer a découpé le foie de Cindy avec un couteau aiguisé (avant de le déguster avec du Chianti).
Nous ne nous intéresserons qu'au couteau aiguisé, qui, dans son syntagme prépositionnel, est l'instrument de l'action. Ah, c'est bien, hein ? Vous vous y attendiez pas hein ? C'est en fait le participant non-animé qui aide l'action, d'où le nom d'instrument.
Gary-Stuart a donné un yacht à Gabrielle.
Gabrielle, cette chanceuse, est non seulement l'objet indirect syntaxique de la phrase, mais en plus, elle est la bénéficiaire de l'action, elle bénéficie de l'évènement. C'est normalement un participant animé, mais on ne sait jamais, avec cette farceuse de Gabrielle !
Harry vit en Californie.
Dans ce dernier exemple moins rigolo, si Harry est le thème de la phrase (ce dont on parle, et non l'agent, vu qu'il agit pas beaucoup), la Californie est un locatif.
Maintenant, c'est pas marrant; on a un problème: ce qui est sujet de la phrase, que ce soit Gary-Stuart ou Tallulah-Belle, c'est pas forcément l'agent sémantique (bien qu'il y ait souvent des interactions). Ce qui est précédé d'une préposition, c'est pas uniquement l'objet indirect (c'est le test pour voir si ç'en est bien un) syntaxique, mais aussi soit le bénéficiaire, l'instrument, voire le locatif. Vous imaginez le bazar.
Et encore, je ne parle pas de l'attribut du sujet. Rôle sémantique ou pas ? C'est le caca pour trancher. Bref, la leçon à retirer de tout ça, c'est que certes, on a une décomposition normale en sujet+verbe+objet, mais qu'en plus faut prendre la sémantique en compte parce que sinon, c'est pas assez.
Alors, comme ça, vous trouviez les leçons de grammaire trop dures quand vous étiez à l'école primaire et qu'il fallait souligner le verbe en rouge, l'objet direct en vert et l'indirect en noir ? Eh bah venez tâter de la vraie grammaire. Parce que la grammaire, c'est gentil, quand même. On a des voix, des aspects, des choses finies et d'autres non-finies, des verbes téliques et d'autres bitransitifs, c'est chouette.
Un jeu pour les latinistes, pour finir ce petit article: essayez de trouver et de catégoriser les cas de chacun de ces rôles sémantiques. Et utilisez le Latin Hardcore, celui avec les 9 cas, comme l'indo-européen. (en fait je délègue mon travail: je n'ai pas fait assez de latin pour en connaître plus que des petits cas comme le nominatif, l'accusatif, le datif, le génitif, le locatif et l'instrumental, mais y'a pas de vocatif dans mes rôles sémantiques, et j'ai oublié ce qu'était l'ablatif, mea maxima culpa.)