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Mes Langues aux chats
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14 janvier 2011

Vous me permettez de t'appeler Michel ?

Michel est décédé le 6 janvier. J'ai appris ça par hasard, en lisant les messages de divers mailing lists de linguistes encore plus beaux que la plus belle de tes copies. Michel, c'était mon professeur de linguistique en master 2, et puis aussi en agrégation. Michel, vous me permettez de t'appeler Michel ? Jamais je n'aurais osé en cours, mais en dehors, c'était comme ça qu'on t'appelait, mes amis et moi.

La nouvelle m'a heurtée, touchée, au fond, là où mon cœur bat. On s'y attendait, j'en parlais justement avec mon directeur de thèse même pas une semaine avant ton décès... J'ai été (réflexe sublime) sur le Facebook d'un camarade de classe qui avait décidé, lui, de rester avec Michel pour son doctorat. (Je suis un peu la fille rebelle, qui décide de lâcher sa Sorbonne tranquille pour aller étudier internet un peu plus loin.)

Sur le profil de mon camarade, une photo de toi, Michel. Je me suis souvenue alors de tes cheveux tout fous qui poussaient de chaque côté de ta calvitie comme une sorte de hibou hébété, de tes pulls approximatifs, de tes petites manies, de tes chaînes porte-lunettes, et j'ai pleuré. Parce que j'aimais tes grands gestes et soupirs quand tu étais parti ailleurs dans une explication. Je me souviens que j'étais vraiment pas la dernière en cours, et je me souviens de cette ambiance sympa, de notre salle. Je me souviens t'avoir trouvé un air de ressemblance avec Magnéto (j'ose à peine le dire, mais la mort permet des choses que la raison ignore), et qu'on s'était bien marrées avec L, mon amie de cours.

C'est le cœur serré que je perds une des grandes figures de mon apprentissage linguistique. Je me souviens du fouillis intelligent de tes cours, Michel, et je déplore ne pas t'avoir plus connu. Tu ne liras jamais ma thèse finie, alors que tu devais être à ma soutenance. Tu n'annoteras jamais plus une copie d'étudiant sur The Great Gatsby.

J'aimerais avoir le courage post mortem de te dire que le jour où je suis venue te voir pour te dire que je ne ferai pas ma thèse sous ta direction, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, parce que c'était si difficile de--me semblait-il-- te décevoir. J'aimerais t'adresser tout mon respect et ma profonde admiration amusée par tes mimiques malicieuses. J'aimerais m'excuser d'avoir raté tes obsèques. Et puis aussi, tout humblement, j'aimerais te dire "Merci, Michel."

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