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Mes Langues aux chats
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27 mai 2012

Festival du Mot (30/5 -> 3/6)

Cher lecteur, tu es un coquinou, tu es un étudiant dilettante, tu ne sais pas quoi faire de ta vie dans les quelques jours qui viennent ? Tu es proche de la Charité sur Loire ? Là, tu vois,  j'ai envie de te dire "va au Festival du Mot". 

 festival-du-mot-2012_699021

 

France Inter a fait une émission rigolote dimanche 27 mai (celle de 13h30 à 14h, mais je n'arrive malheureusement pas à trouver un lien qui vous permettrait de ne réécouter que la seconde partie, avec les linguistes) avec Alain Rey, l'homme qui murmure à l'oreille des mots, et un autre linguiste forcément très sympathique et hyper bien habillé. 

Cette émission, je vous la conseille surtout pour son début et le reportage très amusant sur "les mots creux et les mots pleins". Un micro-trottoir, et des innocents même pas métalexicologues², c'est vous dire le degré de dangerosité de l'affaire. Les questions étaient simples : 

- qu'est-ce qu'un mot creux ? Comment le remplir ? 

- qu'est-ce qu'un mot plein ? Comment le vider ? 

Et quelques variantes "quels sont les mots que vous plaignez ?"

Ce que j'ai préféré, c'est le fait que les gens confondent "mot creux" et "mot qui signifie un truc creux", en très gros. Du coup, "bateau", "tuyau" ce sont des mots creux et "ballon", c'est un mot plein. Bon. ("comment vider le ballon ? AVEC UN ASPIRATEUR", a répondu le monsieur, visiblement très inspiré par la question)

Dans une conversation normale, on a le droit (et presque le devoir) d'utiliser des mots de liaison un peu miteux, pour se donner les quatre secondes nécessaires pour se trouver une suite. Mais pas que...

Exemple 1 :

Production orale : "Marc, c'est un mec, tu vois, bon, il est sympa mais genre un peu collant quoi". 

Dans la tête ça donne : "Marc, ce gros stalker qui me fait peur et qui sent des doigts mais c'est socialement inadapté de dire ça comme ça". 

On pourrait tout à fait imaginer la phrase débarrassée de ses chichis linguistiques, qui irait droit au but social qu'on s'est fixé : "Marc est sympa mais (un peu) collant". 

Cette phrase contient aussi des marqueurs un peu accessoires comme "bon" ou "quoi" sur lesquels on peut appuyer les intonations descendantes, pour pouvoir se garder un tremplinou ascendant sur les deux éléments importants.

"Bon" est juste après "tu vois ?", qui veut dire "je ne t'ai encore rien dit dans cette phrase mais je vérifie que t'écoutes toujours parce que mon teaser est absolument palpitant", et le "quoi" permet une insistance sur le "collant" (pour signifier "je te dis collant mais je pense gros stalker qui sent des doigts"). 

Ces mots en plus ont donc une utilité dans le discours oral, mais en eux-même, ils ne portent quasiment rien, sémantiquement parlant. J'imagine que les gens qui n'utilisent jamais de marqueurs comme ceux-ci sont quasiment autistiques, puisqu'il est toujours important d'optimiser son discours et de vérifier que l'autre suit encore (regardez, vos conversations au téléphone. Ca arrive souvent le "tu m'entends toujours ?" quand on raconte une histoire un peu longue, parce qu'on a pas de retour visuel de l'attention de l'autre, et s'il ne fait que des "hmm", on peut penser qu'il n'est plus au bout du fil ou qu'il ne nous écoute plus, et c'est quand même bien naze quand on raconte une histoire pas-sion-nante). 

En revanche, si on abuse du "quoi" ou de son ami le "voilà quoi", on risque la faute de goût linguistique. 

Bref. 

 

Les mots creux, ce sont les mots tellement galvaudés par l'usage qu'ils ont perdu leur sens. Un peu comme les autres, là, ceux dont je viens de vous parler, mais en plus pervers : on pense *encore*, bêtement, qu'ils veulent dire quelque chose alors que NIET ZERO. Par exemple, j'aime assez les discours politiques avec des choses comme "croissance forte" (vers quoi, où, comment, dans quelle proportion ?).

J'ai été voir un peu les messages de mes amis Facebook, et j'ai vu quelques mots intéressants comme "pression" ("on a la pression", "untel est victime de pressions"), "tirer une leçon", et une cohorte d'adjectifs comme "fatiguant", "chiant", ou "classe" et "excellent". 

Tout ça pour dire, le Festival du Mot, ça peut être sympa, on va élire le mot de l'année, et découvrir comment écrire "Twitter" à la française. Encore de bien belles batailles de linguistes en perspective. 

 

 

Au fait, ce message est absolument truffé de mots creux. Je sais, j'aime bien, je suis joueuse. 

 

 ² JE SAIS, petit lecteur, que tu n'es pas non plus forcément métalexicologue parce que tu es peut-être, comme j'ai dit dans l'introduction, un étudiant dilettante, peut-être même un étudiant en sciences dures. Un métalexicologue, c'est une personne qui étudie ce qu'il y a dans le dictionnaire, qui est écrit par un lexicographe.

C'est simple, on peut être pédant avec 3 affixes grecs, méta-, logos et lexicon. Je vous conseille l'utilisation de "méta-" quand vous voulez faire intello décalé, je vois beaucoup passer des "c'est une discussion métapolitique", "c'est presque de la métascience" dans les pinces-fesses où je dois faire bonne figure. C'est souvent le moment où je prends un métaverre d'alcool en plus et où je souris en faisant la lexiconiaise. 

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Commentaires
T
Je pense qu'il y a une différence entre l'expression toute faite genre "n'importe quand" (mais en fait, on a une idée précise de ce n'importe quand, qui ne fait *qu'une fenêtre de 5 heures*, ce qui, avouons-le, est très court), et qui correspond à ce que la dame entend comme "n'importe quand" (qui a visiblement clashé avec ta définition qui était "open bar vraiment n'importe quand"), et un mot "creux", donc vide de sens. <br /> <br /> Depuis ton message, je m'intéresse à ces expressions qui ne veulent rien dire, et hier, j'ai entendu "je veux rencontrer un homme qui a des valeurs". Des valeurs ? Mais lesquellles ? Cette expression me semble un peu vide; on peut imaginer le type qui est hyper droit, qui tient la porte et ne rote pas, tout comme on peut imaginer des valeurs religieuses, ou morales, mais l'expression seule "avoir des valeurs" me semble bizarre. Je pense qu'en gros, tout le monde en a... mais pas les mêmes. Et c'est "bien" d'en avoir, mais la phrase de la dame n'a pas fait avancer le schmilblick (en plus, dans le reportage que je regardais, finalement, elle n'avait pas les mêmes valeurs que le type, et ils ont fini par se séparer en de mauvais termes... Comme quoi...)<br /> <br /> <br /> <br /> Sinon, moi je suis lexicodroite, c'est-à-dire que j'essaye au maximum soit d'utiliser le vrai bon mot quand je peux (exemple : "j'étais outrée/pétrifiée/étonnée/saisie quand il ne m'a pas tenu la porte"), mais j'ai la fâcheuse tendance d'oublier les mots quand il faut, donc j'ai 14 synonymes (inventés) pour "machin" comme "trombidion", "gougnette" (par exemple : "j'ai besoin du boudinou, là, pour revisser le Jean-Claude"). <br /> <br /> Dans mes recherches, vu que je suis analyste de discours, je ne méprise rien, tout est intéressant (à cause des stratégies sous-jacentes d'utilisation des mots, justement. Si je dis "Jean-Claude", c'est pour amuser et remplacer un mot très peu précis comme "truc" qui, lui, serait utilisé tout le temps, sinon). Mais dans des discussions sérieuses, il m'arrive de demander aux gens leur définition d'un mot, pour être certaine qu'on est sur la même longueur d'ondes (ça fait un peu Sheldon-autiste, mais ça ne me dérange pas plus que ça, parce que je pense toujours qu'il vaut mieux éviter le qui pro quod). Mais ça m'arrive d'être catastrophée quand je regarde la télé-réalité (je me fais du mal, aussi), à entendre les participants tourner autour du pot parce qu'ils préfèrent (s'entendre) parler que de faire passer du sens. Je pense que c'est ça qui m'agace, mais sinon, pas de mépris. <br /> <br /> Il y a une échelle de valeur des sons (mais qu'entends-tu par valeur ? :D), du plus marqué au moins marqué, du plus sonore au moins sonore (je suis en train d'écrire un petit article un peu mignon là-dessus, d'ailleurs, je peux te l'envoyer si tu veux). Mais pour les phonéticiens et les vrais gens, une voyelle fera toujours plus de bruit qu'un /p/ ou un /b/ surtout. C'est ce genre de valeurs-là qu'on code, mais pas plus. <br /> <br /> Et sinon, grosse déformation professionnelle oblige, j'écoute attentivement tout ce qu'on me dit, je suis hyper aware niveau langage corporel, j'écoute les sons (du coup, avec mes amis qui ont un accent, je dois me séparer en deux pour suivre la conversation ET les sons qu'ils produisent différemment de mon étalon personnel), et ça m'arrive tout à fait d'écouter les mots eux-mêmes... Mais je suis une sacrée imitatrice, aussi, du coup je recycle toujours les expressions rigolotes que j'entends. <br /> <br /> <br /> <br /> C'était un peu long, mais j'espère que ça répond aux questions :)
S
Je pense que le meilleur conseil à donner à ce sujet c'est : fais gaffe où tu métalangues,
S
Je dois être lexiconiaise, mais je ne suis pas sure d'avoir compris ce que sont les mots creux. Je pensais à ton message aujourd'hui, après avoir réservé une chambre d'hôtel par téléphone. Je demande à la dame jusqu'à quelle heure je peux arriver, elle me répond "any time after 2pm" (oui, c'était en anglais :p). Je lui dis "OK, je peux donc arriver à 22h ?". Elle me répond "GOD NO, we close at 7pm!". Ma question : est-ce que "anytime" était un mot creux dans sa phrase ? Elle a dit anytime parce que c'est ce qu'on dit, dans ce contexte, dans ces circonstances, si elle ne l'avait pas dit la confédération des hôteliers du pays lui aurait envoyé des tueurs aux fesses, mais ça ne voulait certainement pas dire anytime ? Ou alors j'ai pas compris...<br /> <br /> Autre question : un professionnel des mots/sons/autres machins, comme toi, est-ce qu'il méprise certains trucs comme les mots creux ? est-ce qu'il y a une échelle de valeurs des sons ? est-ce qu'ensuite tu es hantée par tout ça et tu écoutes ta voisine de palier te raconter sa vie en pensant "oh la gueuse, elle a utilisé 80% de mots creux et cinq diphtongues !" ?
S
quote<br /> <br /> "comment vider le ballon ? AVEC UN ASPIRATEUR", a répondu le monsieur, visiblement très inspiré par la question<br /> <br /> <br /> <br /> Normalement, n'importe quel habitant de la Nièvre aurait répondu "Cul sec, bien entendu".<br /> <br /> Je soupçonne donc le monsieur d'avoir été retouché au montage...<br /> <br /> <br /> <br /> Regards,<br /> <br /> Skro
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