Notre nouvel ami des anglicismes
Les Anglicismes. Bouh, caca, méchants.
Vilain « hardware », « week-end »
(ha, le magazine « Bon Week »!), prout le « cow
boy » et le « meeting ».
Voilà
en substance le message délivré par Yves
Laroche-Claire, qui a décidé on ne sait pourquoi de
pondre un livre intitulé « Evitez le franglais,
parlez français ». Dans ce livre, de bonnes
initiatives, de jolies traductions qui respectent le Français
de Toujours, avec Ses règles, Ses bons gros suffixes et Ses
racines bien de chez nous. Tiens donc. Notre bon Français,
jamais influencé par le Francique (pour le vocabulaire de
l’armée par exemple), par l’Arabe (astronomie et
mathématiques), et qui n’a jamais, jamais, jamais influencé
l’Anglais (britannique).
Mais ce qu’Yves (qu’il me permette de l’appeler par son prénom) nous délivre, ce n’est pas ce message de paix entre les langues, non, lui il va plus loin, et il nous envoie un message cosmique de traductions farfelues sorties d’on ne sait où.
Exemple, « zapping ». Bon, ce mot est rentré en français, et Yves nous dit que « tour des chaînes » est un bon équivalent. Jusqu’ici tout va bien, mais, en grand farceur qu’il est, il essaye de faire du zèle, et nous donne aussi «flânerie cablée», « boutonnage » et autres fantaisies.
Yves fait également dans la traduction de mots bien intégrés au français, comme « gadget ». Là arrive la dimension co(s)mique sus-mentionnée, puisque selon lui, on devrait dire « amusette ». Ah là oui, c’est festif, amusette. On sent tout de suite l’humour de cet homme sensible, qui dit dans la préface « c’est pas bien de traduire les xénismes , les mots qui viennent d’un contexte britannique ou américain, là on n’y touche pas ». Oui, enfin il nous traduit quand même « cowboy » par « garçon vacher » ou « aventurier », dans des exemples pris dans l’ « Ouest américain » (ces aventuriers qui, dixit Yves, ‘vouent un culte sans limites à leur cheval’) .
Je suis peut être de mauvaise foi, mais quand même, je pense que là, Yves en fait trop pour nous, petits francophones. Je l’imagine, fébrile, se disant « han, ‘clown ’ ça peut plus durer. Je vais leur proposer ‘farceur’ à la place... Oui, ‘farceur’, c’est bien. Et ‘bouffon’ et puis ‘fantaisiste’ aussi. C’est bien ça... ». Oui, bouffon, vraiment, c’est bien.
Bon, je critique méchamment, mais en vrai, à part les définitions saugrenues, y’a aussi des points utiles sur les glissements de sens de mots français, « sévère » (comme quand on dit « de sévères pertes » au lieu « de lourdes pertes »), « alternatives » et ainsi de suite. Là ça va, ça vaut la peine de savoir tout ça, et puis c’est marrant d’apprendre que l’expression « été indien » n’existe pas en français, mais qu’il faudrait dire « l’été de la Saint-Martin ». Joe Dassin, si tu nous entends, corrigeons ensemble ta chanson.
On ira
Où tu voudras quand tu voudras
Et on s’aimera encore
Lorsque l’amour sera mort
Toute la vie sera pareille à ce matin
Aux couleurs de l’été de la Saint-Martin !
Ca passe, ça passe pas mal. Faut juste accélérer le dernier vers, mais sinon, « indien », «Martin », ça rime, c’est formidable.
Et puis un autre point positif de l’ami Yves, c’est qu’il trouve lui aussi toujours des mises en situation et des exemples ahurissants.
« Epouser une fille de couverture d’origine hongroise ». (cover-girl)
Je pense qu’il crève de jalousie à cause de la femme d’un ami, et qu’il a voulu se venger en les citant discrètement: « Humpf, ce type-là a une femme tellement vulgaire, allez, je vais parler d’eux, ça va leur faire les pieds ! »
Comme je suis quand même super sympa, je donne la référence complète du livre... Et vous propose un petit jeu: munissez-vous d’amis, du livre, d’un petit carnet et d’un crayon. Ensuite, ouvrez la Bible des Anglicismes à n’importe quelle page, et demandez à vos amis soit:
-d’imaginer un équivalent français à un anglicisme
-de retrouver le mot original d’après les propositions de traduction d’Yves.
Comptez les points, et, pour corser le jeu, n’hésitez pas à donner les définitions les plus illuminées de notre ami, comme « boîte à musique » pour juke-box (y’a aussi « machine à disques automatique » mais là c’est trop simple). Après test, je peux vous assurer qu’il faut au moins une demie-heure pour comprendre comment Yves réfléchit.
LAROCHE-CLAIRE, Yves, Evitez le franglais, parlez français. (2004)
Ed: Albin Michel, collection Les Dicos d’or. Prix marqué sur le derrière du livre (enfin, la quatrième de couverture, en gras, TTC):12€