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Mes Langues aux chats
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19 octobre 2006

Aa ! (bonjour en diola). Khaumykhyghyz !(bonjour, en bashkir)...

Saviez-vous qu'il n'existe pas de mots pour dire "art" dans des milliers de langues africaines ?

    C'est une merveilleuse (et courte !) introduction sur un livre non moins mirifique: "The Meaning of Tingo", par Adam Jacot de  Boinod. Dans ce petit ouvrage (attention, il ne me semble pas qu'il ait déjà été traduit en français)où les mots sont classés par thème, on voit que même si on a pas "art" en langues africaines, nous, en français, on a pas de mots comme giomlaireachd qui signifie "avoir l'habitude de débarquer chez amis comme par hasard à l'heure des repas comme un gros pique-assiette" (gaélique écossais), et bien d'autres.
Mine de rien, on apprend plein de choses, comme le fait qu'en albanais, on ait 27 mots pour dire "moustache"
(quelques exemples: holl est une moustache fine, posht, une moustache tombante, dirs ur est le duvet immonde de l'adolescent qui se rase pas, même qu'en classe de troisième et de quatrième surtout, y'avait de sacrées bandes de dirs urs...)
    En plus, c'est bien classé, chaque thème est introduit par un petit proverbe: bu yin, bu long bu cheng gu gong pour introduire la famille signifie en chinois "A moins de prétendre d'être sourd ou stupide, il est bien difficile d'être une belle-mère ou un beau-père".

    En parcourant ce livre (qui s'honore de citer près de 280 langues), on voit que l'hawaïen et le japonais ont des lexiques bien amusants, et parfois tout à fait adaptés à des situations qu'on décrirait avec force mots, faute d'avoir un signifiant à la hauteur : ainsi "être déchiré comme un drapeau", "saoul à en hurler" se dit en japonais tora ni naru (devenir tigre), "une femme qui refuse de travailler pour vivre sur le salaire de son mari se dit en hawaïen polohana'ole.
Une petite phrase qui a son succès de la drague au Japon (à essayer, il paraitraît à ce qu'il parait que ça marche mais après tout, je suis Super Linguiste, pas Super Drague): Rainen no kono hi mo issho ni waratteiyoh. " Hey, petite, l'an prochain, même jour, même heure, on rira ensemble. "  Wahou. Là, malgré la traduction un peu "lâche" que j'ai effectué, on sent tout de suite le pouvoir hautement érotisant de la phrase. C'est certain que là, la fille conquise vous lâchera son neumbeure, surtout si vous rajoutez "mamoiselle".

    Evidemment, tout le monde parle des mots des Esquimaux pour la neige. Bon, c'est bien, vous avez tous entendu dire qu'il y a 150 mots, 200, 100... Mais le mot "Esquimau" est considéré maintenant comme une insulte aux multiples peuples (et langues) auquesl on applique cette toute petite étiquette: on a l' inuit au Groenland et au Canada, le yupik en Sibérie orientale et l'aleut en Alaska. A cause de la diversité de langues auxquelles on a à faire, il est très difficile de faire un compte sûr et certain, mais voilà encore une fois quelques mots tirés de l'inuit:
neige légère mais profonde, qui nécessite l'utilisation de raquettes: taiga (tiens, tiens, ça vous rappelle rien ?)
neige légère idéale pour les voyages:  mauyasiorpok
poudreuse: nutagak
neige fraîche: nutaryuk
neige non compacte qui ne sert à rien en tant que telle vu qu'elle vient de tomber mais qui déchire en tant que matériau de construction une fois compactée: ariloqaq
avalanche: sisuuk, aput sisurtuq
tempête de neige: pirsuq, pirsirsursuaq, qux

    Et puis le livre parle de créoles (langues parlées par des locuteurs natifs, créées par la fusion de deux langues) et de pidgins (pareil, sans locuteurs natifs). Voilà un petit (ou deux) exemples truculents de pidgins...En Nouvelle Guinée, où le Tok Pisin est parlé (tiens, Tok = talk, et pisin = pidgin...) "accordéon" se dit liklik box you pull him he cry you push him he cry. C'est tout à fait descriptif du machin, quand même.
    Et le Duc d'Edimbourg, le mari de la Reine d'Angleterre, comment on l'appelle à Vanuatu ? Par le charmant titre de oldfella Pili-Pili him b'long Missy Kween (ah, "old fellow", c'est mignon), alors que le Prince Charles est Pikinini b'long Kween. Pikinini. Pikinini. Je ne m'en lasse pas. Et tout ce beau monde appartient donc comme de juste à la reine.

    En plus y'a plein de petits encadrés sur les gestes à faire (ou à ne pas faire) dans certains pays, ainsi que des listes de faux amis de l'anglais, qui sont un peu moins intéressants pour nous vu qu'il y a des mots français qu'on ferait pas l'erreur, hein ? parce que pour nous, "baron", c'est à la fois le titre de noblesse (comme eux) et le baron de la drogue.

Encore un truc rigolo:  le Bassa, parlé au Libéria ne distingue que 2 couleurs: ziza, rouge/orange/jaune et hui, qui fait vert/bleu/violet. Il n'y a que les japonais et les langues européennes qui distinguent pour de vrai les 7 couleurs de l'arc-en-ciel. Je vous raconte pas la joie des libériens qui voient des pubs pour les trucs "plus blancs que blanc". Ah. Ca doit leur faire une belle jambe. En Nouvelle-Guinée, la langue dan ne distingue que les choses claires mola et foncées mili.
En plus, seules 9 langues ont un mot pour blanc et noir, et il n'y a que 21 langues qui n'ont que blanc, noir, rouge comme couleurs, et 8 langues de plus ont aussi "vert". Ensuite, vient "jaune", avec 18 autres langues, puis "bleu" (6 langues) et enfin "marron" (7 langues).
Je pense que le catalogue "La Redoute" avec ses lots de serviettes en 24 couleur avec "cramoisi", "ocre", "bleu de Prusse" va avoir du mal à s'imposer là bas...

    Et hop, un dernier petit truc à rectifier. Tout le monde connait le village gallois au nom très long ? Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwillantysiliogogogoch. Ce qui signifie " L'église de Sainte Marie près du bosquet de chataîgniers, pas loin de la rivière aux tourbillons, près de la grotte rouge de l'église de Saint Tysilio". Bien. Ma traduction est pas top, mais c'est quelque chose dans ce genre quoi. Sachez que les habitants l'appellent juste "Llanfair" (il faut bien faire le ll, qui est une fricative latérale. C'est un peu comme quand on veut faire un son dégueu avec sa bouche, et dire "c'est Sophie" avec l'accent d'Elie Sémoun quand il fait le type qui recherche une fille avec "une grosse potrine".)
Eh bien notre Llanfair, il est enterré dans les grandes longueurs par le nom de la capitale thaïlandaise, Bangkok. Là bas, ils l'appellent Krung Thep... Mais en thaïlandais, où y'a pas non plus d'espace entre les mots elle s'appelle en vrai de vrai...
Krungthephphramahanakhonbowonratanakosinmahintharayuthayam
ahadilokphiphobnovpharadradchataniburiromudomsantisug
.
Vous pouvez m'applaudir pour la performance de tape à l'ordinateur, là. Le livre coincé sous le bras, les mains cherchant desespérément des unités pour découper le truc en chose faciles à retenir. Merci. (par contre j'ai du le couper en deux, ça passait pas à l'image, du coup ça fait moins impressionnant. Mais essayez quand même de le prononcer, pour voir).

En plus, voilà la traduction: Cité des anges, Grande Cité et Résidence du Bouddha d'Emeraude, Impugnable Cité du Dieu Indra, Grande Capitale du Monde, Dotée de Neuf Pierres Précieuses, Abondante en Enormes Palais Royaux qui ressemblent à la  Demeure Divine où règne le Dieu Réincarné, une Cité Offerte par Indra et Construite par Vishnukarm.

Ca ressemble un peu à une pub, la fin "et voilà notre Grande Cité, Offerte par Indra et Construite par Vishnukarm ! On applaudit nos sponsors !".
    Imaginez: et  si on renommait le Fort Boyard pareil? Ca donnerait un truc genre  "Impugnable Fort, Cité où règne La Boule et Félindra (tête de tigre), Parcourue par des Gens Habillés en t-shirt Jaune, Défiés par les Maîtres du Temps, Grand Coffre des Boyards, Offerts aux Enfants qui Souffrent après des Epreuves Commandées par le Père Fourras, avec des Tas de Rats et de Mygales où on a Collé des Petits Indices en Dessous pour Effrayer les Candidates, Parcourue sans Cesse par Passe-Partout et Passe-Temps, et Offerte par Joué Club et Kiabi..."

Ca aurait plus de gueule tout de même.

Ce petit article me permet aussi de caser une  traduction de mots non présentes dans le livre...

La racaille qui dit "ouaiche", c'est en fait une déformation: en arabe, "ouaich" signifie "Est-ce que...". Donc "Ouaich il reste du Yop dans le frigo ?" est à peu près acceptable. C'est l'équivalent français-arabe du parler de Jean-Claude Van Damme, en gros.

 

Bref, je vous conseille l'achat du "Meaning of Tingo". D'ailleurs, Tingo, ça veut dire en Pascuence (parlé sur l'Île de Pâques) "emprunter des trucs chez un ami jusqu'à ce qu'il reste plus rien chez lui."

Donc The Meaning of Tingo (and other extraordinary words from around the world), Adam Jacot de Boinod, aux éditions Penguin Reference. Il m'a coûté £10, mais j'ai l'édition en "hardback", je pense que le truc en livre de poche (que j'ai vu chez Shakespeare & Co) est moins cher.

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Commentaires
N
Epoustouflant !
S
+1 avec Septa.<br /> Non seulement ca doit faire sourire plus d'une fois, mais en plus on apprend des trucs... Une expedition a Shakespeare & Co un de ces soirs ?
S
Zut...<br /> Tu m'as donné envie d'acheter le bouquin...
T
Mon prof de linguistique de l'année passée, belge bedonnant avec l'accent des français qui racontent des blagues belges "alors il lui a dit une fois qu'on allait aux wc parrr deux parrrce que c'était une fois des doubles wc, hahaha!". Je reprends : il était épastrouillé lui, par les différences français/breton (par exemple, tel mot en breton comprends une gamme de couleur du bleu au vert, etc.)<br /> C'est choupidou ces choses là. :]
S
J'ose supposer que l'ouvrage est intitulé par référence au célèbre "The meaning of Liff" de Douglas Adams et John Lloyd.
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